❝ all that's dead and gone and passed tonight ❞ KAIDALEXIS

Alexis & Sully

+ I REMEMBER YOU SAID "DON'T LEAVE ME HERE ALONE", BUT ALL THAT'S DEAD AND GONE AND PASSED TONIGHT

Cela faisait bien une heure, peut-être deux, qu'il observait la scène à la dérobée depuis l'habitacle de la voiture, garée sur le trottoir d'en face. Il avait d'abord voulu attendre qu'il y ait moins de monde, puis qu'il n'y ait plus de clients du tout, puis encore qu'elle vienne jusqu'à la porte du café et retourne la pancarte open qui y était accrochée ... Il l'avait observé, presque religieusement, presque sans oser respirer, comme si le moindre son risquait de la faire disparaître. Il pensait n'avoir rien oublié des traits de son visage, de sa façon de marcher, de sa manie de remettre toujours cette mèche de cheveux derrière son oreille, il pensait avoir gardé tous ces souvenirs tellement précieusement dans un coin de sa tête que même le temps ne les avait pas altérés, mais il se trompait. Comme avec toute autre chose dont il avait manqué ces deux dernières années le souvenir avait fini par vieillir, jaunir, s'estomper ... Alexis n'était pas aussi belle que dans ses souvenirs, elle l'était bien plus, et elle ne lui avait pas tant manqué que son simple souvenir l'avait aidé à ne pas perdre les pédales, mais bien plus encore.

Passés les premiers jours, passée la crainte des raisons pour lesquelles Alexis n'avait pas fait parler d'elle depuis son retour au pays il avait décidé de prendre les devants. Lorsqu'il avait sonné à leur ancien appartement et qu'une inconnue lui avait ouvert la porte il avait mesuré peut-être plus qu'avant encore les conséquences de son absence, et le temps qui s'était écoulé depuis la dernière lettre qu'ils s'étaient échangés. Sans doute avait-il eu peur de découvrir à quel point les choses avaient changées, puisqu'il avait fallu plusieurs jours ensuite, deux semaines en fait, pour qu'il ne prenne assez sur lui d'aller jusqu'à son café-bibliothèque, sans même savoir si là aussi il ne trouverait pas porte close où étrangers en lieu et place de la femme qu'il aimait. Mais elle était bien là. A quelques mètres seulement et pourtant lui semblant si inaccessible, les quelques mètres les séparant lui semblant un océan, un océan de peur et de désillusions.

Il serait peut-être encore resté là des heures si la lumière s'éteignant derrière la vitrine ne l'avait pas brusquement ramené à la réalité, tel un électrochoc. Alexis allait partir, et s'il ne sortait pas de sa voiture maintenant il devrait revenir demain, ou le surlendemain, et toutes les soirées suivantes jusqu'à trouver assez de courage pour sortir de sa voiture. Et Sully n'était pas ce genre de personnes qui pilaient devant un obstacle, il valait mieux que ça ... Ni une ni deux, le voilà hors de sa voiture, déglutissant avec difficulté et réajustant son blouson sur ses épaules avec fébrilité. Le badge encore luisant de la police de New-York brillait à sa ceinture, et autour de son cou la chaîne en argent que lui avait offert Alexis bien des années plus tôt avait retrouvé sa place. Trois enjambées lui suffirent pour traverser la rue, mais ne calmèrent pas les battements de son cœur cognant avec ferveur contre sa poitrine. Que disait-on à la femme qui nous avait aimé mais nous avait cru mort, durant peut-être si longtemps que la vie avait fait son œuvre, et le temps guéri les blessures ... ? Le Manuel du soldat revenu d'entre les morts n'existait pas.

Il se tenait devant la porte du café au moment où Alexis en sortait, et s'il avait cherché mille et une chose à lui dire il avait maintenant la gorgée nouée. Incapable de dire un seul mot il la regardait simplement, avec l'intensité des années perdues, attendant le moment fatidique où malgré la nuit elle le reconnaîtrait.

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SULLY & ALEXIS

La nuit était tombée. Alexis avait passé la journée au travail pour ne pas s'ennuyer chez elle et surtout, pour ne pas se mettre à penser à Kaidan, comme elle le faisait toujours lorsqu'elle était seule et qu'elle n'avait rien à faire. La journée avait été pas mal occupée alors, Alex n'avait pas pu s'arrêter deux secondes et penser à ce fantôme qui la hantait si souvent depuis plus d'un an. Kaidan Sully Morgenstern était le nom de ce fantôme. Elle l'appelait Kaidan même si la plupart des gens le connaissaient sous le nom de Sully. Militaire mort au combat et surtout, l'amour de sa vie. Même si elle fréquentait depuis peu un autre homme, elle ne pouvait jamais enlever totalement Kaidan de ses pensées. Elle avait été habituée à l'attendre. À s'inquiéter pour lui. À chaque fois, elle regardait les nouvelles et espérait ne pas apprendre de nouvelles tragiques. Puis, ce qu'elle avait redoutée le plus était arrivé. Un homme habillé en uniforme avait cogné à sa porte et avait enlevé son chapeau pour lui annoncer la mort de son Kaidan. Et ce dernier se trouvait en fait dans une voiture, juste en face de son magasin. Pas un mort-vivant... un homme bien vivant en chair et en os. Elle était loin de se douter qu'en fait, il avait survécut. Toute cette dernière année, elle avait essayé d'être forte, de surmonter sa peine et son deuil. Tout le monde avait été là pour elle, avait essayé de la réconforter. Son père, la mère de Kaidan, ses amis, bref, tout ça lui avait permis de mieux vivre son deuil, mais on ne se remet jamais de la perte de quelqu'un qu'on aime. La famille de Kaidan avait été mise au courant de sa survie, ils l'avaient accueillit à son retour à New York, mais Alex n'avait pas été avertie encore.

Certes, il y a avait une rumeur qui circulait, mais ce n'était pas le genre à la jeune femme de croire des rumeurs. Elle était en train de fermer son magasin, fermer les lumières puis, elle alla fermer la porte. Quand elle fut dehors et qu'elle se retourna, son coeur s'arrêta de battre pendant quelques secondes. Devant elle, se tenait un fantôme, enfin... c'est ce qu'elle se dit au début. Soudain, ses yeux s'embuèrent, elle retenait ses larmes. Était-ce une mauvaise blague? Était-ce vraiment lui? Elle devait s'approcher pour en être certaine. Elle fit quelques pas vers lui et posa sa main sur sa joue. Elle était chaude et elle sentait sous ses doigts la peau douce de l'homme qu'elle avait aimé... et qu'elle aimerait sûrement le reste de sa vie, avant de le croire mort. Mais il était bien vivant et elle le touchait. « Kaidan... » murmura-t-elle. Elle avait le souffle coupé. Elle ne savait pas trop quoi dire à part son nom. Comme pour s'assurer que c'était bien lui et pas un quelconque imposteur qui jouait avec sa tête. Elle avait les yeux mouillés, mais elle ne pleurait pas... elle en était incapable. Elle avait tellement pleurer cette dernière année suite à sa supposée mort que les larmes n'arrivaient pas à quitter ses yeux...

Une petite partie de lui avait eut la peur presque irrationnelle que la jeune femme ne le reconnaisse tout simplement pas. Du moins pas du premier coup, pas sans qu'il ne soit obligé de se présenter. Deux ans dans une vie ce n'était pas grand chose c'est vrai, mais dans l'esprit du soldat ces presque deux années avaient semblé une éternité, d'autant plus que caché dans ces montagnes il avait totalement perdu la notion du temps et n'avait su véritablement combien de temps avait durée sa détention qu'après avoir été libéré. C'était même comme si son corps s'était lui aussi acclimaté à la sensation d'avoir été prisonnier durant bien plus longtemps, la première fois qu'il avait vu son reflet dans une vitre il avait mis un long moment avant de réaliser que ce reflet était le sien, et sa première rencontre avec un miroir avait été pour lui un électrochoc. Cheveux et barbe emmêlés et hirsutes, visage creusé, teint d'un vieux chewing-gum trop longtemps mâché … Là encore il avait eut peine à se reconnaître, et à accepter les dégâts que sa détentions avaient engendrés sur son apparence. Et même une fois rasé, nourris et soigné pendant les semaines qui avaient suivi, difficile de nier qu'il avait vieilli bien plus que de raison. En cherchant bien on lui trouvait même quelques cheveux blancs çà et là. De là à ce qu'Alexis ne le reconnaisse pas ? C'était une idée stupide, bien entendu, mais pourtant une partie de lui l'avait envisagé, et en avait eu peur.

Le moment où ils restèrent simplement ainsi à se regarder, sans rien dire, sembla s'étirer durant une éternité, avant que la jeune femme ne fasse un pas vers lui, puis deux, et se retrouve finalement si proche que même la nuit n'empêchait plus Sully de distinguer chacun des traits de son visage avec précision. Elle avait quelque chose de changé elle aussi, même s'il n'aurait pas su dire quoi, mais encore une fois le temps avait passé, qu'ils le veuillent ou non, et le temps ne passait jamais sans laisser sa marque. Le contact de la main de la jeune femme contre sa joue le fit frissonner, et presque instinctivement il avait à son tour posé sa main sur la sienne, comme par peur qu'elle ne lui échappe, une fois encore. « Kaidan … » Ce prénom prononcé dans la bouche de la femme qu'il aimait valait la plus précieuse des paroles, et esquissant un sourire à la seule certitude qu'elle l'avait reconnu il avait lâché sa main pour poser les deux siennes sur son visage, pour la regarder plus en détails, pour s'imprégner de ce que le temps avait tenté de dénaturer dans sa mémoire. « J'aurais mis du temps mais je l'aurais tenue, ma promesse. » Les mots étaient sortis de sa bouche avec plus de facilité qu'il ne l'aurait pensé, mais non sans que soit perceptible le tremblement de sa voix. Sa promesse, toujours la même à la fin de chacune des lettres qu'il avait écrit à Alexis durant les périodes où il n'était pas avec elle, Je finirai toujours par revenir. Et il était revenu, quand plus personne n'y croyait, quand son nom déjà avait été gravé sur le marbre d'une des tombes du cimetière militaire de Jersey City, il était revenu, en dépit de tout.

« T'imagines pas comme j'ai pensé à ça. A ce moment précis. » Cela pouvait paraître cliché mais c'était pourtant la vérité et rien de plus. C'était la seule raison pour laquelle il ne s'était sans doute pas simplement laissé mourir, l'espoir. L'espoir de rentrer, un jour, de revoir Alexis, de revoir sa mère, de revoir toutes ces choses qui faisaient sa vie avant qu'elle ne prenne le virage qu'on lui connaissait. Ce qu'il dirait le jour où il rentrerait il y avait pensé tous les jours, il s'était imaginé cette scène des centaines de fois, en se disant que s'il fermait les yeux assez fort et se concentrait suffisamment la chose deviendrait vraie.

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SULLY & ALEXIS

Oui, c'était bien lui. Sully.. ou plutôt Kaidan car c'est comme ça qu'elle l'appelait puisqu'ils avaient toujours été très proches. Pendant quelques secondes, elle eut envie de lui sauter au coup. De l'embrasser pour rattraper tout ce temps passé sans lui à le croire mort. Elle avait envie de le toucher, de le sentir sur sa peau, de sentir son souffle dans son coup. Quand il posa ses mains sur son visage pour la regarder droit dans les yeux, elle eut envie de l'embrasser, là. Tout de suite. En pleine rue. Mais quelque chose la retenait... quelqu'un... en son absence, tant de choses avaient changés... Alex croyait s'être remit de sa supposée mort... elle croyait être tombée amoureuse d'un autre. Mais voir Kaidan devant elle ce soir fit naître en elle un conflit. Elle se déchirait de l'intérieur. Elle aurait tant voulu se laisser aller, le prendre dans ses bras et faire comme s'ils étaient deux ans plus tôt. Mais elle ne pouvait pas. Elle avait trouvé quelqu'un... Elle en avait mal à la tête et se sentit encore plus mal quand Kaidan lui dit : « J'aurais mis du temps mais je l'aurais tenue, ma promesse. »

En effet, il était de retour. Il avait tenu parole... mais après tout ce temps à le croire mort, elle avait essayé d'avancer. Cette promesse, elle l'avait tant chérie, mais maintenant, elle s'en voulait qu'il l'ait tenue. Il ajouta : « T'imagines pas comme j'ai pensé à ça. A ce moment précis. » et elle baissa les yeux. Elle ne pouvait plus tenir son regard. Ses yeux qui l'avait tant fait craqué à leurs débuts. Maintenant, elle ne pouvait plus supporter de regarder dans ses yeux bleus sans s'imaginer s'y perdre à jamais. Comment allait-il réagir en apprenant que ce moment si parfait qu'il attendait n'était finalement pas ce qu'il croyait? Elle voyait maintenant quelqu'un d'autre... un de ses amis... un homme charmant qu'elle appréciait beaucoup. Mais le revoir ce soir refit naître en elle cet amour, cette attirance qu'elle avait toujours eu pour Kaidan et qu'elle avait essayé d'enterrer... avec sa supposée mort... « Je... je pensais vraiment pas te revoir... je pensais t'avoir perdu... pour de bon... » Elle s'en voulait... elle n'arrivait pas à lui dire qu'elle fréquentait quelqu'un et elle se détestait pour ça. Il méritait de savoir. Elle n'osait toujours pas le regarder dans les yeux et s''accrocha plutôt à lui et le serra dans ses bras, sa tête sur son torse...

Qui sait combien de temps il lui faudrait pour retrouver un semblant d’équilibre dans sa vie et dans son esprit ? Longtemps, sans doute, jamais, peut-être. Il ne serait de toute façon plus jamais le même, les deux années qui venaient de s’écouler avaient changé bien des choses chez lui, et sur bien des plans, et s’il avait mis autant de temps à se décider à venir jusqu’ici, à se montrer devant Alexis, c’était peut-être aussi pour cette raison. La peur du regard qu’elle poserait sur lui en réalisant à quel point il avait changé, à quel point même s’il était toujours là quelque part, au fond de lui, celui dont elle était tombée amoureuse adolescente avait cédé sa place à quelqu’un d’autre, ou presque. Mais s’il était là au fond c’était parce que le principal n’avait pas changé, et que le temps n'avait pas élimé ni les sentiments qu'il avait pour Alexis ni le fait qu'il avait besoin d'elle. Il la connaissait de toute façon depuis tellement longtemps, bien avant qu'il ne réalise ses véritablement pour elle, tellement longtemps qu'il ne se souvenait plus précisément comment tout cela avait commencé. Tellement qu'il ne se sentait actuellement pas capable de s'imaginer ce que pourrait être une vie sans elle. Et c'était bien ce qui les différenciait désormais, elle avait vécu sans lui, deux longues années, elle avait vécu avec l'idée qu'il ne reviendrait jamais, tandis que lui n'avait survécu qu'en pensant à ce jour où peut-être il la reverrait. « Je … Je pensais vraiment pas te revoir … Je pensais t'avoir perdu … Pour de bon … » Il avait dégluti, lentement. Il avait bien entendu conscience que débarquer ainsi devait la perturber, que personne ne s'attendait à voir un soir devant le pas de sa porte le fantôme d'un passé qu'on pensait mort et enterré, au sens le plus propre du terme. Et il ne s'attendait même pas à ce que sa réaction ne soit que joie et soulagement, tant la chose pour lui aussi était des plus perturbantes, comme tout ce qu'il vivait depuis qu'il était descendu de cet avion trois semaines et demi plus tôt. Sans doute chamboulait-il ce qu'elle avait tenté de reconstruire en son absence …

« Je suis désolé … Je suis tellement désolé. » avait-il fini par articuler dans un murmure, tandis qu'elle baissait les yeux pour venir se blottir contre lui. Doucement il avait resserré ses bras autour d'elle, le contact de la joue de la jeune femme contre son torse ayant contre toute attente quelque chose d'apaisant. S'il était désolé c'était de l'avoir abandonnée alors qu'il lui avait promis de ne jamais le faire, c'était de ne l'avoir pas écoutée lorsqu'elle lui répétait qu'il allait finir par se faire tuer mais qu'il refusait d'écouter, parce que son métier de soldat était une des choses les plus importantes à ses yeux. « Mais c'est fini, maintenant. » Fermant les yeux une seconde ou deux il avait chassé les perles de sel qui l'espace d'un instant lui brouillèrent la vue, et resserré un peu plus ses bras autour des épaules d'Alexis. Comment pouvait-il simplement ne pas s'en rendre compte ? Qu'il n'était pas le seul à être désolé, ce soir …

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SULLY & ALEXIS

Elle ne savait pas comment réagir. Le sentir contre elle la rendait heureuse et triste à la fois. Elle allait le décevoir, il allait croire qu'elle ne l'aimait plus et qu'elle avait passé à autre chose... qu'elle était avec quelqu'un d'autre aujourd'hui alors, il allait partir loin... et elle allait le perdre de nouveau. Alexis en devenait folle. Elle avait envie de l'embrasser, de l'enlacer mais en même temps, elle se sentait coupable. Il était là physiquement, bien vivant et pourtant, elle ne pouvait pas assouvir cette envie se penser à celui qu'elle fréquentait en ce moment. Un homme bien, gentil, attachant... qui ressemblait beaucoup à Kaidan en fait... « Je suis désolé … Je suis tellement désolé. » Comment pouvait-il rendre tout cela encore plus dur que ce ne l'était déjà? Il était désolé, mais en fait, c'est elle qui se sentait comme ça en ce moment. Ne vous méprenez pas. Elle était si heureuse de le voir, elle ne pouvait s'empêcher de le serrer encore plus fort lorsqu'il la serra lui aussi. « Mais c'est fini, maintenant. » Elle leva les yeux vers lui et croisa son regard. Dès qu'elle entra ses yeux dans les siens, elle se sentit encore plus mal.

Si elle avait eu à s'imaginer de telles retrouvailles avec Kaidan, elle aurait voulu que ce soit parfait... mais ce ne l'était pas... pas maintenant qu'elle fréquentait un autre homme... car elle l'avait cru mort et elle avait cru qu'elle devait aimer un autre... Elle devait lui dire. Mais comment? Elle ne voulait pas qu'il fuit. Elle l'aimait et l'avait toujours aimé même lorsqu'elle avait dû faire son deuil. Elle s'écarta un peu de lui et se recula... comme pour fuir. Alexis lui tourna ensuite le dos et murmura presque pour elle-même : « Oui, c'est fini... » Elle croisa ses bras sur son torse, comme si la chaleur de Kaidan lui manquait déjà alors qu'il était juste derrière elle. Elle avait toujours été très franche et Kaidan le savait. Souvent, elle n'y allait pas par quatre chemins pour dire sa pensée, mais là, c'était la première fois qu'elle se détestait d'être comme ça. Elle se tourna de nouveau vers lui et le fixa droit dans les yeux, sans éviter son regard cette fois. « Je vois quelqu'un d'autre... tu étais parti, Kaidan... » Cette fois, elle avait utilisé un ton plus sec... presque fâché. Elle se rappelait toutes les fois où il était parti et elle avait dû l'attendre. Ce qu'il lui avait subir. Devait-elle se sentir mal de voir quelqu'un d'autre alors qu'elle l'avait cru mort?

Le plus paradoxal était qu'à un certain moment de sa captivité il y avait pensé, au fait que s'il ne revenait jamais Alexis finirait par refaire sa vie, par tourner la page. Il avait tenté de se raccrocher à l'idée de sa libération pendant la plus grande partie de sa captivité mais les moments de doutes et où les espoirs s'amenuisaient avaient existé eux aussi, à certains moments sans doute avait-il même souhaité mourir au fond de lui, pourvu que ce cauchemar prenne fin … Et dans ces moments là, lorsqu'il regardait la mort presque dans les yeux et se persuadait qu'il l'attendait sans plus aucune appréhension, il aimait à penser qu'Alexis irait bien, sans lui, qu'elle trouverait d'autres choses et d'autres personnes pour continuer sa vie. Il le souhaitait même, parce qu'Alexis méritait d'être heureuse, et que la seule chose plus insupportable pour lui que de penser qu'il ne pourrait pas être celui qui la rendrait heureuse, était qu'elle ne le soit tout bonnement pas. Et puis, avec sa libération, progressivement, la possibilité d'être remplacé s'était effacée de son esprit … Comme si parce que lui savait qu'il finirait par rentrer il en avait oublié que ses proches eux n'avaient toujours aucune idée du fait qu'il était bien vivant. Ce qui lui avait paru logique et souhaitable lorsqu'il se pensait condamné avait fini par s'évaporer de son esprit, par être occulté par l'impatience de retrouver celle qu'il aimait, par l'espoir naïf et stupide que tout pourrait reprendre là où ils s'étaient arrêtés … Quel idiot. Avoir survécu à tant d'horreurs mais ne pas réussir à se montrer rationnel quant à quelque chose qu'il aurait pourtant du voir venir.

Il aurait voulu que cela dure des heures, ce silence, et le simple contact de la jeune femme contre lui, comme si les deux années passées n'avaient aucune importance, comme si en fermant les yeux il pouvait presque s'imaginer ne jamais avoir vécu ce qu'il avait vécu … Et puis Alexis s'était reculée et il avait eu l'impression d'être privée d'oxygène, qu'on lui arrachait quelque chose sans quoi il ne pouvait plus, ne voulait plus vivre. Il l'avait regardée lui tourner le dos sans comprendre, et faisant un nouveau pas vers elle il s'apprêtait à poser une main sur son épaule lorsqu'elle avait murmuré « Oui, c'est fini … » et sans savoir pourquoi il s'était arrêté net. Ces mots dans sa propre bouche visaient à rassurer, mais dans celle d'Alexis ils sonnaient comme une constatation, presque comme une sentence. La sentence pourtant était tombée juste après, lorsque toujours sans le regarder elle avait continué d'une voix plus dure « Je vois quelqu'un d'autre … Tu étais parti, Kaidan … » Ce prénom qui juste avant lui paraissait rassurant sonnait cette fois-ci presque comme un couperet. Comme le point final d'une révélation que son esprit refusait encore d'assimiler, au point qu'il ne secoue la tête à la négative sans même en avoir conscience. Non, ce n'était pas possible, ce n'était pas vrai … Non.

Sa gorge se nouant il était resté plusieurs secondes silencieux, ne sachant pas comment réagir et encore moins quoi dire, et le fait de ne pas pouvoir regarder Alexis dans les yeux lui donnait l'impression d'une distance qui déjà lui semblait insupportable. Déjà trop de questions se bousculaient dans sa tête, et comme à chaque fois maintenant qu'il se sentait oppressé il sentait ses mains trembler et son rythme cardiaque s'accélérer sensiblement. Mais ce n'était pas le moment de se laisser gagner par ce genre de symptômes, pas le moment de perdre les pédales, pas maintenant, pas devant elle … Se forçant à maîtriser sa respiration il tenta de retrouver son calme, au moins un minimum, et après ce qui lui sembla être une éternité il entendit les mots sortir de sa bouche sans parvenir à les retenir. « Je le connais ? » Il ne savait même pas pourquoi c'était cette question qui lui était venu, il ne savait pas ce qu'il cherchait … Sans doute à se faire un peu plus de mal, parce qu'en savoir plus ne ferait que plus mal. Et puis d'un coup il sembla retrouver un semblant de lucidité, et bafouillant il s'était repris « Pardon, je … ça me regarde pas, t'as pas à me répondre. » Est-ce que cela faisait une réelle différence au fond, l'identité de ce type qui l'avait remplacé ? Est-ce que cela ferait plus ou moins mal selon que la réponse soit oui ou non … Il ne savait pas, d'avoir été remplacé était déjà tellement douloureux.

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SULLY & ALEXIS

Alexis ne savait plus si elle était fâchée ou triste... ou heureuse. Elle avait imaginé des millions de fois le retour de Kaidan, mais dans la réalité, cela ne ressemble pas du tout à un rêve. Elle s'était imaginé lui sauter dans les bras, pleurer, poser ses mains sur son beau visage et l'embrasser comme elle ne l'avait pas fait depuis deux ans. Mais elle avait commencé à tomber amoureuse d'un autre homme. Enfin... c'est ce qu'elle croyait puisqu'en voyant Kaidan ce soir-là, elle n'était plus sûre. Ses sentiments pour son soldat disparu venaient de refaire surface de plein fouet. Elle se déchirait de l'intérieur quand le jeune homme demanda: « Je le connais ? » Elle se demandait si elle devait lui répondre et voyant son hésitation, il ajouta: « Pardon, je … ça me regarde pas, t'as pas à me répondre. » C'est vrai, elle n'avait pas à répondre, mais elle ne voulait pas avoir à se cacher. En fait, il le connaissait, mais en plus, ils se ressemblaient beaucoup. Pas physiquement, mais du côté de leur personnalité.

Franc, honnête, attachant mais aussi indépendant, il ressemblait beaucoup à Kaidan. Elle se disait qu'elle était amoureuse de lui car il avait pris soin d'elle et elle avait fini par s'attacher, mais c'est peut-être le fait qu'il est une sorte de copie de celui qu'elle aimait vraiment... et qu'elle retrouvait dans un autre homme. Elle décida alors de lui répondre franchement... comme elle savait si bien le faire. « Oui, tu le connais. C'est un de tes amis. » Alexis hésitait par contre à lui dire exactement qui. Ce n'était pas son ami le plus proche, mais il faisait partie de sa bande d'amis avant qu'il ne parte pour le Moyen-Orient. Disons qu'elle se doutait que si elle lui dévoilait vraiment qui elle fréquentait, ce ne serait plus un de ses amis car Alex sentait une touche de jalousie dans l'attitude de Kaidan. « Il a pris soin de moi quand tu étais mo... parti... » Lorsqu'elle allait dire mort, elle ne put continuer. Ce mot était si difficile à prononcer... encore plus depuis qu'il était là, devant elle, comme un fantôme revenut la hanter. Elle se tourna vers lui et s'approcha, voulant tellement le serrer contre elle, mais hésitante, confuse...

Il avait encore du mal à réaliser tout ce qui venait de se passer, c'était sans doute trop pour lui actuellement, trop pour que son esprit continue à analyser les choses de façon rationnelle. Comment pouvait-on retrouver puis perdre aussi vite une personne que l'on aimait autant qu'il aimait Alexis ? Parce que c'était bien le plus douloureux, les sentiments de la jeune femme à son égard avaient clairement évolué, ou plutôt s'étaient estompés, quand ceux de Sully étaient toujours les mêmes que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, ou qu'ils s'étaient parlés au téléphone, ou qu'il lui avait écrit la dernière de ses lettres. Cela faisait tellement mal que Sully en avait pensé des choses qu'il savait fausses : j'aurais préféré ne jamais revenir plutôt que d'entendre ça, voilà ce qu'il s'était d'abord dit lorsqu'elle avait avoué la vérité ... Mais c'était tellement ironique, pourquoi n'arrivait-il même pas à se réjouir d'être vivant, pourquoi était-ce si difficile que de profiter de ce temps supplémentaire qu'on lui accordait ? Mais à quoi bon profiter, s'il perdait ce qu'il avait laissé en partant ... A quoi bon être rentré pour être maintenant si malheureux ? Et pourquoi, pourquoi se faire autant de mal à cherchant à en savoir plus, pourquoi ne pas simplement tourner les talons et tenter de panser ses plaies ... Pourquoi ce besoin sordide d'en savoir plus, pour se faire encore plus de mal. « Oui, tu le connais. C'est un de tes amis. » La réponse était tombée, comme un couperet, comme une trahison. Et si jusque là c'était l'incompréhension qui prévalait sur le visage du jeune homme, elle se muait peu à peu en colère sourde et muette. Tant et si bien qu'il avait fait un pas en arrière, comme si son corps inconsciemment tentait de rejeter cette réalité qu'il ne voulait pas accepter, qu'il ne pouvait pas accepter. Et en tentant de se justifier elle n'avait fait que remuer le couteau dans la plaie, son « Il a pris soin de moi quand tu étais mo ... parti ... » ne tendant qu'à lui rappeler cette réalité qu'il tentait d'éviter, qu'il aurait voulu pouvoir gommer de son esprit et de sa vie pour qu'enfin elle retrouver son équilibre. « Tu peux le dire. Mort. » avait-il murmuré d'un ton froid, comme une vérité trop souvent évitée qu'il voulait maintenant jeter comme un pavé dans une mare, peu importe les éclaboussures qui s'en suivraient.

Malgré lui il eut un mouvement de recul lorsqu'Alexis se retourna pour lui faire face. C'était peut-être injuste, c'était sans doute irrationnel, mais il se sentait trahi. Il prenait sincèrement les aveux de la jeune femme comme une trahison à son égard, de la même façon qu'il se serait agi d'une trahison à sa mémoire s'il avait réellement perdu la vie au Moyen-Orient. « Ça, j'imagine qu'il doit bien s'occuper de toi, oui. » avait-il finalement répondu d'un ton acide. Il n'était pourtant pas du genre méchant, et la vérité c'est qu'il avait regretté ces mots presque au moment où ils avaient quitté sa bouche ... Mais quelle importance au fond ? Il se sentait trahi, et blessé, et ça ne se contrôlait pas. « T'avais tout New-York à ta disposition et y'a fallut que tu prenne un de mes amis ? C'est ça le respect que t'avais pour moi, c'est ça ? » Bientôt des noms avaient commencés à se bousculer dans sa tête, à la recherche de celui qui pourrait être le responsable, celui parmi ses amis qui aurait eu assez de culot pour profiter de la mort d'un pote pour récupérer sa copine. Sully ne s'était jamais fait assez d'ennemis pour se dire que sa mort pourrait profiter à quelqu'un, et aujourd'hui il réalisait qu'il n'y avait pas besoin de se trouver un nemesis pour qu'à un autre profite la fatalité. « Alors, lequel de mes amis s'est empressé de danser sur ma tombe après m'avoir enterré ? »

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