(F/PRIS) DIANE KRUGER

« Que s’est-il passé ? » Une voix d’une douceur jamais égalée chez les Grimaldi parvient aux oreilles de l’autre jeune femme blonde qui détourne brusquement la tête de son Dostoïevski. « Il a voulu divorcer sous prétexte que sa carrière était entachée par notre famille. Les contraintes de tenir une réputation sans faille et j’en passe. Nous lui aurions causé, semble-t-il, préjudice moral et il compterait écrire ses mémoires pour prouver que la famille princière de Monaco n’est pas aussi lisse qu’elle le prétend. Et pour couronner le tout, il m' a avoué entretenir une relation avec l’une des employées de son ranch. »L’interlocutrice hausse les sourcils, sidérée par les explications de son aînée. « Il n’est peut être pas aussi hypocrite qu’il le laisse paraître, tu sais. » Une pause. « Octavia, cesse d’être aussi naïve. J’ai cru à ce mariage, ça n’a pas fonctionné. Maintenant, il faut sortir la tête haute et ne pas en parler en public. » Un soupir alors que la jeune femme âgée de trente ans tourne furtivement la page de son livre. Octavia sait parfaitement que lorsque son aînée reste murée dans ses bouquins, c’est qu’elle se sent profondément humiliée. En même temps, qui ne l’aurait pas été dans une telle situation ? Fort heureusement, la cadette n’a jamais été vraiment confrontée à ce genre de situation. Avec deux ex-petits amis au compteur, tous deux issus de familles royales, Octavia ne sait pas véritablement ce qu’est le scandale. Gabrielle, l’aînée des Grimaldi, loin de ressembler à Lindsay Lohan, aime être au cœur de l’actualité. Charismatique, grande, ancienne mannequin reconvertie en businesswoman monégasque, elle a l’habitude d’être au centre de l'attention. D'ailleurs, elle aime contrôler son image d'une main de fer. Tout est calculé, absolument tout pour ressembler à son arrière grand-mère, Grace de Monaco. Gabrielle compte bien devenir une légende alors peu importe ce que cet idiot de Henry essaie de l'atteindre avec ses mémoires, sa blondasse. « Bref. Oublié Henry, je délaisse momentanément Monaco pour faire carrière dans le cinéma. » La nouvelle tombe comme un piano de quatre étages et Octavia ne peut réprimer un cri d'exclamation. « Gabrielle, enfin ! » La dénommée Gabrielle ferme son livre, un large sourire sur ses lèvres avant de regagner le fauteuil où se trouve sa cadette. « Ne soit pas vieux jeu. J'avais cette idée en tête depuis un bout de temps, de toute façon. »
Euh, pourquoi pas.


Une soirée comme une autre. Une soirée guindée de l’Upper East Side où Octavia se déplace de groupes en groupes avec aisance. Sa sœur Gabrielle, fraichement débarquée à New York, n’a aucun mal à se faire une place au sein du gratin new yorkais. Une soirée comme une autre, en somme. Lorsque l’immense horloge Louis XV sonne dix heures et demi, Octavia commence à capituler. La fatigue de sa représentation de la Belle au Bois Dormant au NYCB la veille l’envahit progressivement et elle finit par s’asseoir docilement sur l’un des canapés de la pièce, sa coupe de champagne toujours à la main. Mais un moment d’inattention l’écarte temporairement de ce qui se joue sous ses yeux. Un homme a pris place aux côtés d’Octavia sur le canapé. La jeune femme tourne la tête et lâche un cri d’étonnement. Que lui veut cet importun pour être assis aussi près d’elle ? Elle n’a pas le temps de poser la question que l’homme passe son bras autour d’elle et rapproche dangereusement son visage du sien. Octavia essaie de détourner la tête pour éviter l’homme mais elle ne peut pas. « Du calme, j’ai juste besoin de toi pour me débarrasser d’une de mes ex. Le principe est simple, tu fais semblant d’être ma petite amie et je te paierai une belle somme pour avoir été sage. » Octavia écarquille ses yeux avant de s’exclamer, plus consternée que jamais. « Veuillez vous contrôler monsieur, je ne suis pas celle que vous croyez. » Elle n’a pas le temps de terminer sa phrase que déjà les lèvres de l’inconnu se posent sur les siennes. Et là, ce qui doit arriver se produit. Comme un réflexe, la gifle fend l’air et Octavia se détache de ce contact qui lui a paru interminable. Elle se redresse, furieuse tandis que sa sœur Gabrielle, surveillant sa cadette du coin de l’oeil et l’inconnu l’importuner, a immédiatement rappliqué. Elle se tient devant l’homme de toute sa fierté de femme et le regarde avec dédain pour lui signifier son comportement impardonnable. « Veuillez garder vos distances avec ma plus jeune sœur monsieur, on ne traite pas la petite fille du Prince Adrien de Monaco de la sorte. » Et d’un claquement de doigt, Gabrielle fait signe à la sécurité d’intervenir. Les deux hommes se précipitent, comprennent la requête implicite de la jeune femme et s’emparent du jeune homme afin de lui faire quitter le lieu de la soirée. Octavia, elle, demeure consternée. Jamais on n’a osé la traiter de la sorte.